eglise1

En 1815, le retour au régime Sarde après l’intermède révolutionnaire et l’époque napoléonienne, s’accompagna d’une frénésie de reconstruction des églises qui toucha pratiquement tous les villages savoyards. Dans la région, Aiguebelette fut restaurée aux environs de 1854, Lépin en 1890, Novalaise en deux fois entre 1810 et 1850, Saint Alban de Montbel en cinq tranches entre 1835 et 1898. Ayn fut reconstruite en 1895, la Bridoire en 1836, Nances, en 1878. Dullin ne fait pas exception à cette règle puisque la dernière rénovation importante des structures date des années 1860-1861, à cheval sur le rattachement à la France.

Il nous reste peu d’archives écrites antérieures à 1700, il nous sera donc nécessaire d’analyser le bâti pour observer les traces laissées par chaque reconstruction. Pièce maîtresse de ce bâtiment, le clocher est entièrement construit en grand appareil. Le soubassement présente un léger fruit et semble antérieur à la partie supérieure du clocher, sans que l’on puisse être tout à fait affirmatif. Il semblerait que l’on puisse le faire remonter au XV° voire au XIV° siècle. Il possède un magnifique bénitier de facture romane à l’intérieur à droite en entrant par la petite porte qui s’ouvre directement au pied du clocher.

L’ancienne sacristie mérite d’être examinée par l’extérieur pour en apprécier la valeur historique. La façade tournée à l’est présente une fenêtre en réemploi, visiblement installée postérieurement, au détriment de deux fenêtres typiquement romanes entre lesquelles elle vient s’insérer. Cette sacristie, avec la chapelle St Joseph, forment un ensemble cohérent qui laisse entrevoir ce qui fut sans doute la plus ancienne église de Dullin encore reconnaissable. Il est aisé de remarquer l’ensemble – typique du moyen-âge – formé par un choeur carré : l’ancienne sacristie, et une nef, elle aussi presque carrée : la chapelle St Joseph actuelle. (voir le plan). Les deux fenêtres de style roman sont très probablement les restes du chevet de l’ancienne église, malheureusement défiguré par l’ajout ultérieur de la fenêtre actuelle. Il est difficile de dater de façon certaine cette partie de l’édifice, mais il est assez probable qu’elle puisse remonter au moins au XIII° ou XIV° siècle.

Le chevet actuel, au moins dans sa partie basse, est contemporain de la reconstruction de 1537 qui nous a laissé de magnifiques traces. D’abord la porte extérieure de la sacristie actuelle qui est très certainement une reprise partielle de celle de l’entrée principale de l’époque. Ensuite, nous retrouvons trois très belles pierres aujourd’hui réemployées à l’entrée de la chapelle sud. Deux d’entres elles sont des dédicaces portant la même date, l’autre probablement l’ancienne clé de voûte du choeur de 1537. Par le biais des informations de la réception d’oeuvre de 1860, nous pouvons savoir que la nef s’arrêtait au niveau actuel du clocher, et la Mappe Sarde nous confirme la forme générale du bâtiment deux cents ans plus tard, soit aux environs de 1730.
On ne sait guère de choses de ce qui s’est passé à la Révolution sinon qu’un délégué vint « pour s’assurer si les clochers et les châteaux étaient abattus, et si tous les signes de féodalité et de fanatisme avaient disparus (…) à Dulin, on lui répondit que le clocher n’était encore démoli qu’en partie, parce que l’urgence des travaux de la campagne avaient empêché de continuer et que le château de Dulin et ses tours n’étaient pas encore abattus. (…) Il fit ses réquisitions ordinaires et se retira. »
Il ne semble pas que le clocher ait beaucoup souffert des dommages révolutionnaires : le bâti semble avoir été épargné dans son ensemble. La tradition locale voulant que les pierres de la voûte inférieure aient été calcinées à la Révolution par un brasier allumé pour faire croire à un incendie dévastateur semble difficile à attester. Les dégâts occasionnés sur les voûtes plaident plutôt pour un gigantesque incendie de toiture avec effondrement de celle-ci jusqu’au pied du clocher à une date qui nous restera sans doute inconnue.
Toujours est-il que nous savons, par un écrit, que le clocher faillit être incendié par la foudre dans les années 1810 : « la charpente était endommagé considérablement par le feu du ciel qui failli tout l’incendié sans l’habilité du charpentier Collomb du présent lieu (…) ».
Nous n’avons par contre aucun écrit, aucune pièce de comptabilité qui nous fasse penser à une reconstruction suite à la Révolution, sinon un texte qui nous indique « (…) Que la cloche de Dulin, la seule qui est restée à ses habitants des quatre qu’ils possédaient avant la Révolution, est cassée (…) ».

Plus tard en 1836, les Dullinois « (…) considérant que le toit du clocher a un besoin pressant d’être regotoyé en bardeaux, qu’il tombe de la pluie sur la charpente et de la sur le beffroi et sur les planchers (…) » demandent à l’intendant de Chambéry l’autorisation de refaire le toit. Celle-ci sera accordée, et, en 1842, nouvelle demande pour fondre l’ancienne cloche et en refaire une plus grosse. Cette opération sera aussi acceptée, mais les paiements s’étaleront jusqu’en décembre 1845 pour les quatre boulons dus à Antoine Girerd Potin le maréchal de Dullin qui avait forgé le joug de la cloche, et jusqu’au en avril 1850 pour l’entreprise Paccard qui avait fondu la cloche ! Deux nouvelles années s’écoulent et une nouvelle demande est formulée auprès du régime sarde afin d’installer une horloge. Celle-ci sera payée pour moitié par souscription, pour moitié par la commune et restera propriété communale.
Dès 1849, lors d’une visite pastorale de l’évêque, nous voyons poindre la volonté d’agrandir le bâtiment de façon significative : la relative modestie du bâtiment actuel et son insalubrité sont longuement évoquées et il est reproché aux syndics de tenir conseil au dessus de la sacristie. Dès 1850, deux projets sont demandés dont le second, plus ambitieux sera retenu par l’ingénieur du Corps Royal du Génie Civil en 1851.
Les travaux de réfection du clocher sont donc à peine terminés que l’agrandissement de l’église commence sous la direction du curé Perey. Les travaux dureront jusqu’en 1860 pour le gros oeuvre, 1861-1862 pour les aménagements intérieurs. L’église est considérablement agrandie puisque la superficie de la nef fait plus que doubler. L’actuelle chapelle sud est agrandie, une nouvelle sacristie est accolée au sud du chevet. Le parti pris architectural de la rénovation ne nous masque pas les anciennes dispositions architecturales malgré l’importance des travaux, dont l’exhaussement de près de cinq mètres de tous les murs. Il nous est donc encore possible de « lire » l’histoire de ces modifications et de visualiser toutes les étapes de la vie du bâtiment depuis sans doute la fin du moyen-âge.
Les dernières rénovations entreprises par la paroisse et la commune depuis les années 1985 ont porté sur les aménagements intérieurs, les toitures, les peintures extérieures sans toucher aux structures. Elles ont su – elles aussi – préserver le caractère et l’esprit du bâtiment. Nous vous souhaitons donc de visiter cette église avec un oeil attentif pour vous permettre de l’apprécier dans son état actuel et d’admirer le travail des générations qui nous ont précédés.